Les textes d'époque montrent que l'on écrivait le nom de guerre de Claude Prost, de multiples manières, Robert Fonville explique que "L'orthographe des noms propres à cette époque ne paraît pas encore bien fixée." On peut lire tout aussi bien : Lacuzon , La Cuson, de Lacuzon, de La Cuson, ou de La Cuzon; comme on peut le voir sur le document ci-joint signé "Le Capitaine de La Cuzon , le 5 octobre 1641 (ou du moins par son secrétaire car il était illettré.). De nos jours la forme : Lacuzon est devenue la forme couramment employée. Robert Fonville et Louis Lautrey, tout deux spécialistes incontestés de l'histoire du capitaine comtois avaiten fait un autre choix: Pour le premier : Lacuson, pour le second : La Cuson. "La querelle est tranchée. Toutes les orthographes sont bonnes et nous adopterons pour notre part celle plus connue du grand public de "Lacuzon".
Document fourni par Jean-François Gandy (origine :Archives départementales du Jura.), Signature du capitaine Lacuzon - cliquez pour le voir en entier |
On donne plusieurs explications sur le nom de guerre de Claude Prost : "La Cuson ": L'auteur de l'article intitulé :"Résister : Le Robin des bois comtois" indique que La Cuzon signifierait "Garde-toi !" ou cela viendrait du mot : la Cuson : le souci en patois franc-comtois. cette version de " L' homme qui aurait toujours eu l'air soucieux et taciturne" est celle que l'on peut lire à peu près partout de nos jours mais est-ce la bonne explication, rien n'est moins sûr.
Louis Lautrey quant à lui, écrit : "En ce temps là, chaque soldat portait un nom de guerre, il y en avait de pimpants comme La Jeunesse (le secrétaire de Lacuzon) ou La Rose et de bravaches comme Brise-Bataille ou Tranche-Montagne.Le mot Cuison ou cuson, ancienne forme du mot cuisson ( exemple cité par Montaigne : une cuison véhémente des yeux) signifiait une douleur brûlante telle que celle causée par la piqûre des orties, par certaines affections cutanées (Littré). C'était peut-être le nom de quelque fièvre éruptive, de quelques maladie contagieuse. C'est ce nom que choisit Claude Prost et qui fit trembler non seulement ses ennemis mais trop souvent ses compatriotes."Louis Lautrey conclut ainsi : "Mais que La Cuson dans la pensée de notre capitaine, ait signifié la fièvre ou le souci, c'était toujours un nom sinistre."
Dans les documents contemporains de La Cuson, le nom est presque toujours écrit en deux mots.
Désiré Monnier (cité par Louis Lautrey) pensait que le mot cuison ou cuson signifiaite le souci. D'après cet auteur, "en langage rustique du pays, la cuson signifie le souci, la sollicitude; on trouve écrit Lacuzon et Lacuison : ce surnom lui venait dit-on de l'air taciturne, mélancolique, qu'il avait dès sa jeunesse .
En langage montagnard, à Longchaumois particulièrement, on dit encore :"T'es la cuison" pour "tu es triste". Selon lui, on disait à Longchaumois, à une personne soucieuse : "T'es bin la cuison". Son vocabulaire de la langue rustique (Annuaire de 1857, page 312) donne : cuison, cuson, kession pour souci, inquiétude. Désiré Monnier précise que "du côté de Beaufort, il y'a 50 ans ( donc vers 1860-1870), on disait la cujon, pour le souci, l'ennui". En bref, on dirait aujourd'hui que Lacuzon était un homme stressé surtout avant les combats, quoi de plus normal pour un être humain aussi courageux soit-il ? On dit aussi que ses mains tremblaient avant le combat (voir ci-dessous).
RF :"Lacuzon était brave mais non téméraire, il préférait recourir à la ruse si le combat lui paraissait trop hasardeux, il savait peser tous les dangers avant de se jeter dans la bataille. Claude Amyot, 56 ans,avocat fiscal à Montmorot témoigne lors de sa déposition au procès de Lacuzon que ce dernier "se rencontrant avec l'ennemi, il se mordait sentant ses membres qui tremblaient, disant : "Ah ! Chair, il faut que tu pourrisses, qu'as-tu peur ?"
Désiré Monnier cite également cette attitude du capitaine comtois : "On rapporte que toutes les fois qu'il allait se mesurer avec l'ennemi, il éprouvait un tremblement involontaire et que pour se punir de cette marque de faiblesse, il se mordait le bras en disant:" Ah ! Chair ! Ne faut-il pas que tu périsses ? Notons au passage que Désiré Monnier a transformé "pourrir" en "périr", il a du trouver que ça faisait plus propre dans le texte. On peut rapprocher cette citation du fameux :"Tu trembles carcasse !" dit par Turenne.
R.F: "Il peut être affirmé qu'étant de modeste origine, 'il n'était pas noble de naissance . Fut-il anobli par la suite? C'est très vraisemblable, sinon certain. Il demeure vraisemblable que le capitaine fut anobli par le Roi d'Espagne auquel il demeura si fidèle. Certains actes des derniers temps de sa vie portent des mentions qui le prouvent: exemple :le testament de Jeanne Blanc dite: "femme du noble sieur Claude Prost dit de Lacuzon" - Cet annoblissement eut été la récompense naturelle et peu coûteuse de l'Espagne à son défenseur fidèle- D'après Désiré Monnier, il aurait pu également être anobli par l'abbé de St-Claude, Dom Juan d'Autriche qui en avait le pouvoir.en effet, Lacuzon est dit noble dans un acte notarié passé à l'abbaye de St-Claude le 7 juin 1646.
Claude Prost, le futur capitaine Lacuzon ( on le trouve également sous la forme de Lacuzon) est né à Longchaumois (Jura) aux environs de 1607, il paraît impossible de fixer sa date de naissance avec précision car les registres des baptêmes et enterrements de Longchaumois n'ont été conservés qu'à partir de l'année 1668 et malgré cela on peut lire couramment que Claude Prost serait né le dimanche 17 juin 1607. D'après Louis Lautrey, la date de 1607 n'est qu'approximative : on l'aurait déduite de celle du traité de mariage de Claude Prost (Octobre 1632) en supposant qu'il s'était marié à 25 ans. C'est Alphonse Rousset qui donne le premier cette date.
D'où vient cette affirmation si précise ? Elle émane d'un religieux érudit et historien, Dom Benoît qui publia "Histoire de l'abbaye et de la terre de Saint-Claude" (en 2 volumes 1890 -1892). Dom Benoit était prêtre, chanoine régulier de l’Immaculée-Conception, professeur, écrivain et missionnaire colonisateur, il était né le 14 janvier 1850 aux Nans (Doubs) et fut élevé aux Rousses (Jura), il est décédé le 19 novembre 1915 à Saint-Chamond (Loire). Aucun autre historien n'a confirmé cette date et on se demande bien de quelle archive Dom Benoît a-t-il pu la tirer. Cette date est donc à prendre avec la plus grande circonspection.
Écoutons ce que nous raconte Désiré Monnier (1788 - 1869) à propos du lieu de naissance de Lacuzon :
"Sa maison natale se serait située d'après la tradition populaire entre la masure du Pra, le hameau d'Orcières ( on parlait du village des sorcières mais en réalité le nom viendrait du mot Ours (au 17ème siècle, les ours et les loups étaient nombreux dans les pessières et les joux du Haut-Jura ) et le village de Longchaumois, dans le champ sous le Daim près d'un petit bois situé entre le hameau des Combes et le moulin de Dardey où plusieurs torrents réunis viennent faire une chute remarquable ( La Pissevieille et la Gire ). Sous une roche tailléee à pic-on voit deux maisons solitaires dans l'une desquelles serait né Claude Prost." (Désiré Monnier a enquêté sur place à peine 150 ans après la mort de Lacuzon et a dit qu'il ne restait déjà rien de visible de la maison originelle) voir les cartes de la région de Longchaumois
Photo Spéléos du Haut Jura : http://spelehautjura.com : Cascade de Pissevieille : 67 m de haut |
Son père se nommait Pierre Prost dit à Gros-Jean et sa mère Clauda Jacquemin. Ses parents étaient sans doute cultivateurs mais on en a aucune preuve. Claude fut orphelin de bonne heure. Il était illettré et signait d'une croix.
Désiré Monnier prétend que "Claude Prost, sieur de Lacuzon, était fils de noble Pierre Prost, bourgeois de St-Claude" mais sans la moindre preuve tangible.
Quel métier Claude Prost exerçait-il ? Là encore que des suppositions sans preuves, certains le disent négociant à St-Claude. D'autres plus précis affirment qu'il était en 1632, savetier (cordonnier) dans la rue Dessus. Il avait du bien car il avait hérité à la mort de sa mère Clauda Jacquemin de la somme de trois-cents francs. Louis Lautrey écrit qu'il était cordonnier mais sans la moindre preuve.
Claude Prost se marie le 31 octobre 1632 à 10 heures du matin, avec Jeanne Blanc, fille de Denis Blanc, bourgeois de Saint-Oyan de Joux (autre nom de Saint-Claude) et de Clauda Fouchier par devant Messire Catherin Charnage, prêtre vicaire de Saint-Romain.; le contrat de mariage fut signé en la maison de Pierre Perennet, notaire .
Denis Blanc et son fils Claude avaient été reçus bourgeois de la ville le 3 avril 1603.
A son tour, le 27 juin 1633, Claude Prost obtenait ses lettres de bourgeoisie.
La guerre survint en 1636. Le 3 mai 1636, Claude Prost quitta sa femme enceinte pour courir à la frontière menacée et rejoindre la milice de Saint-Claude mobilisée par ordre du gouverneur. En juin, Jeanne Blanc son épouse donna naissance à deux jumeaux baptisés Pierre et François à L'église de St-Romain. Ces jumeaux moururent en bas âge car leurs actes de baptêmes sont les seuls documents où ils soient cités.
Lacuzon n'aura plus d'autres enfants légitimes que 2 filles: Anne-Marie et Jeanne-Claude.
L'aînée, Anne-Marie Prost épousa le 27 août 1649 à l'âge de 17 ans noble capitaine Claude François Balland, capitaine au service de Sa Majesté Catholique (Le Roi d'Espagne) et qui était le principal lieutenant de Lacuzon. Il était né à Dôle en 1622 de noble Claude François Balland, docteur ès-droit et de Huguette Boitouzet.
Il avait un frère aîné, Gaspard Balland qui avait épousé une fille du Président du parlement de Dôle: Jean Boyvin.
Claude Balland et Anne-Marie eurent cinq fils et deux filles, sa descendance a persisté jusqu'au 20ème siècle - Robert Fonville auteur de l'ouvrage sur la vie de Lacuzon en fait partie.
Un des petits-fils de Lacuzon était noble Claude Balland ( le 3ème à porter ce prénom ), conseiller-auditeur à la Chambre des Comptes de Dôle; sa descendance n'est point éteinte. Au milieu du siècle dernier( le 19ème siècle pour R. Fonville), un Balland de Lavigny avait 2 filles; l'une épousa M. Gauthier, consul à Galvestone; elle périt en mer avec son mari lors du naufrage de la "Bourgogne". L'autre , Mlle Clémence Isaure Bonaventure Balland, épousa M. Fonville, qui fut successivement secrétaire particulier de Lamartine, secrétaire en chef de la rédaction du Constitutionnel et membre du cabinet du Maréchal de Mac Mahon, Président de la République. L'auteur Robert Fonville est leur petit-fils.
La cadette, Jeanne Claude Prost, épousa noble Pierre de Mongenet, dit de Santans, écuyer, elle mourut sans descendance.
Lacuzon a semé les enfants illégitimes derrière son passage. Voici ce que l'on pouvait lire sur l'ancien site Internet des familles Lambert et Gaubey ( aujourd'hui le site n'est plus en ligne)
" La famille Gaubey est originaire de Saint - Laurent-la-Roche, village à quelques kilomètres au sud de Lons-le-Saunier, au début du Revermont, au bord du premier plateau jurassien. Ce village a été jusqu'au rattachement de la Comté à la France une place forte de la première importance stratégique, car dominant la plaine de Bresse et contrôlant l'une des routes du nord de l'Europe vers Lyon et la Méditerranée. Comme toutes les places fortes de Franche Comté (à de très rares exceptions près), elle fut démantelée par Louis XIV en 1678. ( voir la carte)
L'un des commandants les plus connus, localement du moins, de cette place était Claude Prost, dit Lacuzon, héros de l'indépendance comtoise face à la France. Il fut vraisemblablement anobli par le roi d'Espagne vers la fin de sa vie, pendant son exil à Milan. Le surnom de Lacuzon fut alors inclus à son nom. Sa gouvernante au château de Saint-Laurent-la-Roche était Denise Gaubey, fille de Christophe Gaubey et de Marguerite ? (son patronyme n'est pas mentionné dans les actes retrouvés). Denise Gaubey avait un frère, Jean, né vers 1635, dont nous sommes descendants directs. Elle eut de Lacuzon un fils illégitime, François Prost, baptisé le 22 mars 1675 dans l'église Saint Désiré de Lons-le- Saunier." ...Vers 1750, notre branche de la famille quitte Saint-Laurent-la-Roche pour s'installer à Grusse, village voisin…. "
Robert Fonville cite également cet événement mais avec une orthographe différente : Gobé au lieu de Gaubey.
Il est notoire que Lacuzon était un paillard qui avait un goût immodéré pour les femmes, il paraît cependant qu'il y mettait certaines formes : "Commère, n'y a-t-il pas moyen ?" On raconte que même s'il avait été persusasif d'une manière un peu trop brutale, il ne manquait pas de renvoyer sa victime le matin "après l'avoir fait déjeuner" - Evidemment de nos jours, ce type de comportement, on le qualifierait de harcèlement sexuel et même de viol ou tentative de viol selon les circonstances et le degré de consentement de la victime. Ses amours étaient nombreuses et ardentes : Désiré Monnier affirme: "La tradition toujours vivace des faits ... nous le représente comme un homme si redouté des femmes, qu'elles ne sortaient plus dans la campagne sans se pourvoir d'une sonnette, afin d'appeler le secours en cas d'attaque"
On sait que Lacuzon ( Claude Prost ) avait une cousine germaine nommée Marguerite Prost mariée avec un nommé Pierre Clément dit Bon-Enfant qui elle, semble-t-il n'avait pas besoin de sonnette. ( Lacuzon fut accusé d'avoir eu des relations charnelles avec elle à partir de 1644, lors de son procès en 1659 !) de même il aurait également "fait la courtoisie selon l'expression de l'époque " à son autre cousine Claudine Prost.
Lacuzon fut également accusé d'avoir fait un enfant à sa servante Clauda Perret épouse d'un nommé Claude Perret mais rien n'est prouvé.
En résumé, Lacuzon avait le sang chaud, il était un vrai paillard particulièrement porté sur le sexe et cela même âgé de 50 ans (on était déjà vieux pour l'époque), il est fort probable qu'il a semé tout au long de sa vie d'adulte, une ribambelle d'enfants illégitimes et non reconnus. Il fut même accusé d'abuser de très jeunes filles (par exemple, une nommée Charlotte Rouge âgée de 14 ans)
Le harcèlement sexuel et même le viol lui sont fréquemment reprochés dans divers documents du procès et tout cela lui cause un tort considérable encore de nos jours et explique grandement le fait qu'il soit ou ignoré ou méprisé ( voir de nos jours le peu de rues ou de places qui portent son nom en Franche-Comté. Difficile de juger les gens de cette époques selon nos propres valeurs.
Nul n'est prophète même dans son son pays natal , Longchaumois où le maire le qualifiiat de "soudard" : voir l'article à ce sujet ! )
Photo Serge Réalini : Statue de Lacuzon par le scupteur Max Claudet, exposée au musée de Salins-les-Bains, illustrant l'article en question. |
Vers août 1638, Lacuzon fit une incursion en France avec 700 ou 800 hommes et après s'être battu vaillament, ramena quantité de prisonniers français, de bétail et de butin. Lacuzon reçut en récompense 5 pistoles, un patagon et 10 francs. Cet argent avait été confié à Jean Millet, de St-Amour qui au lieu de les remettre au capitaine, les avait conservés. Fatale erreur ! Lacuzon fut forcé de courir après son argent jusqu'à St-Claude, il retrouva Millet et le somma de lui rendre son argent, à cela Jean Millet répondit par des paroles de mépris et tira son épée en plein milieu de la rue du Marché. Lacuzon riposta et lui porta "un coup d'estocade à quatre doigts plus haut que le tétin droit, au moyen duquel coup il a terminé vie par mort"
En 1641, des soldats emmenaient prisonniers la femme de Jean Périer, de Courlaoux avec ses enfants. Lacuzon survint et pressant le bout de son pistolet contre la bouche de cette femme, la tua sur place ; il garda prisonnier ses enfants quoique petits, l'un d'eux n'ayant que 6 ans mais la demoiselle Lacuzon les fit remettre en liberté. On dit que la femme abattue par Lacuzon résidait au moulin de Courlaoux et servait d'espionne à la garnison française du château.
En décembre 1642, Lacuzon et son lieutenant Andressot, attaquèrent un convoi gardé par une trentaine de soldats du côté de Bletterans. Ils les mirent en déroute et s'emparèrent des charriots chargés de munitions.On sonna l'alarme alors qu'ils étaient en train de partager le butin, un parti ennemi était signalé, Lacuzon se précipita et ne retrouva plus son cheval: son tambour, Claude Masson s'en était allé avec. Le capitaine ne plaisantait pas, surtout au moment du combat : il rattrapa Claude Masson et lui donna un coup d'épée sous le bras droit dont le pauvre tambour mourut. Lacuzon le regretta beaucoup.
Le 10 juin 1644, suite à une incursion des français dans son territoire, Lacuzon prit un coup de colère en constatant qu'on lui avait enlevé des hommes et des femmes, des boeufs, des porcs, des chèvres...Il écrivit au prieur de Bréry, grand chambrier de l'abbaye de Baume les moines ( Baume les Messieurs): "S'ils ne me renvoient pas mes quatre boeufs, j'en irai quérir en France avec l'épée et le flambeau..."La phrase est magnifique et le guerrier y est tout entier. - Cette lettre est très significative et éclaire admirablement le caractère du capitaine. Son premier mouvement est de foncer, mais ce qui est une qualité face à l'ennemi, est un grave défaut devant ses compatriotes. Il écrivit une autre fois à M. de Croison : il pria le négociateur de " me vouloir faire rendre sa charrue, autrement j'en trouverai bien d'autres !" La menace était directe.
Une autre fois, aux Bouchoux, pour défendre ses soldats attaqués, il avait porté une estocade à Pierre d'Aloy qui en mourut deux jours plus tard. A Boursia, Lacuzon avait cassé la tête de deux paysans à coups de pistolet car c'était des "espies ( espions) au service de la garnison française.-Enfin à Courlaoux, un paysan était aller dénoncer à la garnison une embuscade tendue par Lacuzon. On l'avait même entendu renseigner la sentinelle française; dès son retour, Lacuzon lui avait tiré un coup de pistolet mortel. " Mort aux espions" était déjà semble-t-il, la devise de l'époque.
Tous ces faits qui lui étaient reprochés furent exposés lors de son procès qui eut lieu en mars 1659.
Oui ça peut faire souriire ! Comme le montre cette lettre dictée en 1641 à son secrétaire Lajeunesse, à l'adresse du prieur des Chartreux de l'abbaye de Bonlieu, Lacuzon se comportait respectueusement vis-à-vis des gens d'église; il avait d'ailleurs son propre prêtre chapelain, messire Philippe Coste. "Mon très révérend père, je vous remercie du souvenir qu'avez de votre serviteur. Je tâcherai de servir votre révérence en l'occasion, selon l'étendue de mon petit pouvoir, et à cet effet je mettrai ordre à ce que mes soldats ne vous fâchent, ni ceux qui vous appartiendront, soit en conduisant des charriots ou en autre façon; aussi je m'assure que jusqu'à présent ils ne l'ont fait. Ils honorent trop les personnes ecclésiastiques, puisque je leur commande de la sorte. J'ai donné une asurance à votre frère pour ce sujet, par laquelle je défends à tous mes gens et autres sur qui j'ai quelque pouvoir, de ne vous fâcher"
Il fit remettre aux religieux un document scellé d'un petit sceau en cire noire représentant un écu timbré d'un casque, ainsi rédigé : (voir reproduction de cette lettre aimablement fournie par Jean-François Gandy d'après un original conservé aux archives de Lons) ci-contre vue cavalière du 18ème siècle: l'abbaye de Bonlieu, elle fut fondée en 1170 par Thibert de Montmorot au bord du lac de Bonlieu.-Carte postale M. Duhuy à Fontaine-les-Dijon.
"Le capitaine de la Cuzon, gouverneur pour le roi au bourg et château de Montaigu, défend à tout soldat dudit Montaigu de toucher aux personnes et biens, chevaux, charriots ou autres choses dépendants des révérends religieux de Bon-Lieu, à peine d'en être châtiés selon l'exigence du cas; et en outre prie toute autre personne de guerre de ne les maltraiter à la pareille. Fait audit Montaigu, le 5è octobre 1641
Le capitaine de La Cuzon"
Lacuzon était probablement affilié à la confrérie des pénitents de Notre-Dame du Confalon qui possédait une chapelle à St-Claude, celle-ci avait été dévastée par l'incendie de 1639; il fit un don de 500 francs vers 1644 à la confrérie pour édifier un autel "à l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, Mère de Dieu, Notre-Dame Libératrice" Il versa 100 écus à l'église St-Romain pour faire célébrer une messe perpétuelle pour sa femme et lui et abandonna le bénéfice d'une rente annuelle de 70 francs.
"Lacuzon ne ménageait ni ses peines ni son argent pour le service de sa Patrie." "On vit le farouche guerrier aider pécuniairement des paysans. Aux habitants de Courbouzon, il prêta 20 pistoles d'or à son arrivée à Montaigu en 1640 pour payer la rançon de 3 habitants détenus au château de Bletterans. Il avait prêté sans intérêts 500 francs aux capucins, levé une compagnie d'infanterie à ses frais et fait réparer le château de Montaigu.
En exil à Milan, il légua 100 francs pour l'église paroissiale de Montaigu, 100 francs pour celle de Longchaumois et celle de St-Barthélémy de Lognat.
Vers la fin de l'année 1641, Lacuzon fit prisonnier Courtison, frère du sieur de Boulay, gouverneur de Courlaoux. Courtison offrit de payer 300 pistoles pour sa rançon ce qui était une somme importante; Lacuzon aurait pu fort bien garder tout cet argent pour lui, il n'en fit rien. Il l'envoya à Mrs les Commis du gouvernement qui firent de Courtison un prisonnier d'État. "Ceux qui ont accusé Lacuzon de rapacité ont oublié de citer ce détail".
Lacuzon a tout au long de ces années de guerre prouvé son courage, il suffit de lire la page que j'ai consacrée à ses combats et qui ne recèle qu'une bien faible liste de ses exploits; il attaquait à la tête de ses hommes, alors qu'il était souvent en minorité numérique, misant sur la surprise et la panique qu'il provoquait en fondant sur ses ennemis; sa réputation de combattant impitoyable ne faisait qu'accentuer la peur qu'il inspirait aux soldats des forces adverses: Bressans, Suédois ou Français. Lacuzon misait sur la surprise, il utilisait intelligemment l'art du renseignement obtenu par ses "espies" (espions) et il savait corrompre également des soldats ennemis. Il était courageux mais pas téméraire et savait éviter des combats qu'il jugeait trop hasardeux, soucieux d'économiser sa vie et celle de ses hommes.
Même les adversires français admiraient son courage, voici ce qu'ils écrivaient à son sujet : "Les combats du sieur Lacuzon étaient si généreux que si dans la Comté de Bourgogne se rencontraient cent hommes de sa valeur, ils étaient capables de rompre une armée, tant il leur donnait de peine et de fatigue".
Selon J.B.Munier cité dans le site de Jean-Michel Guyon "la Franche et libre terre de Bourgogne perdit le beau nom qui avait fait sa fierté et sa gloire, car ce mot Franche-Comté n'était plus qu'un non-sens du moment qu'elle devenait une province française".
1674, Lacuzon avait 67 ans, toute sa vie avait été passée au service de sa patrie qui était la Comté espagnole. De toutes ses forces, avec toute l'obstination de sa race, il avait lutté contre l'ennemi qui avait été la France. Les traîtres de 1668 allaient revenir, assoiffés de vengeance. Que deviendrait le Lacuzon, le vieux chef du maquis? Il se décida à tout abandonner : sa famille, ses biens y compris sa fidèle et accorte servante: Denise Gobé qui lui avait donné un fils.( voir ci-dessus)
La légende devait s'emparer de Lacuzon, des histoires sur ses exploits, sa bravoure et sur sa mort se bâtirent et se transmirent de siècle en siècle par la tradition orale.
De nombreuses grottes portent encore son nom aujourd'hui parce qu'il y'aurait prétendument séjourné, voir le chapitre sur les grottes et consulter l'excellent site du Jura Spéléo Club créé par le regretté Jean-Claude Frachon.
Lacuzon est mort en exil en Italie, à Milan le 21 décembre 1681, entouré de ses camarades d'exil. On ne sait pas où il fut enterré.
"Lacuzon le plus célèbre héros de la résistance jurassienne; il reste pour les Jurassiens une référence, symbole de l'esprit d'indépendance, voire de révolte." ( Le Guide du Jura). Je ne peux que partager ce sentiment lorsque l'on a pris comme moi, la peine de lire la vie et les exploits de Lacuzon; son courage, son patriotisme, son attachement à la couronne d'Espagne sont absolument indiscutables; il a refusé toutes les trahisons, toutes les compromissions avec l'ennemi Français d'alors qui a tenté d'acheter sa soumission.- Il a préféré l'exil à l'humiliation et l'on peut imaginer ce que cela a pu coûter au vieux soldat de quitter définitivement sa chère Comté.
Voici que m'écrivait Joël Van
der Elst ( auteur d'un livre édité en octobre 2002 chez Cabédita, "L'héritage de Lacuzon" )
"Après avoir parcouru votre site consacré à Lacuzon, je voudrais vous féliciter
pour la clarté de vos propos et l'objectivité de vos opinions sur ce héros si
controversé dont la principale faute fut ... d'avoir perdu ! Si les forces
Comtoises (espagnoles ?) avaient été les plus fortes, il serait sans doute
honoré de nos jours sans contestation.
Je n'avais pas connaissance de
votre site avant d'écrire mon livre : "L'héritage de Lacuzon" qui vient d'être
édité chez Cabédita, mais ce que je viens d'y lire correspond bien à mon
approche personnelle de l'homme. Cet ouvrage est un roman, mais les faits
historiques ont été respectés. Encore bravo.
Oui pour moi, Lacuzon est un vrai héros, un grand patriote mais aussi un sacré salopard : Il avait hélas les graves défauts de tous les soldats de son époque (et d'époques beaucoup plus contemporaines !) , c'est-à-dire le côté soudard comme on le lit parfois. Ce n'était certes pas un enfant de choeur, il a bataillé dur, le combat était féroce contre les Français et leurs alliés, Suédois, Allemands, les Bressans appelés les Gris. Il a été sans pitié pour des ennemis qui n'en avaient guère non plus pour les malheureux cuanais qui tombaient entre leurs mains. Il n'a pas hésité non plus à trucider sans pitié parmi ses propres compatriotes, ceux qui se mettaient en travers de sa route ou avaient trahi sa confiance. De même il n'avait guère de pitié pour ceux qui n'arrivaient pas à lui payer ce qu'il réclamait. Des pauvres villageois y compris des femmes ont été précipité du haut des remparts pour ce motif..
Les Saxe-Weimar, les Longueville, les Guébriant ne pouvaient qu'attirer la haine la plus féroce devant tant d'exactions vis-à-vis des populations comtoises. Il en est de même des Gris du Bugey et de leurs hordes sanguinaires menées par Lespinassou et Brunet. Leur sauvagerie, les tortures infligés aux Comtois, les villages brûlés, ne pouvaient qu'attiser la haine et la vengeance.
Lacuzon était le prototype du résistant, de l'homme libre quoiqu'il en coûte ! S'il avait vécu en 1940-1944, il aurait été sans nul doute le premier à rejoindre le maquis aux côtés des résistants comtois en lutte contre l'occupant Allemand.
Ce qui jette le discrédit, ce sont ces affaires de moeurs évoquées notamment au cours du fameux procès de 1659, on l'accusa de brutalités envers des paysans, d'avoir exigé des contributions ou des travaux qui ne lui étaient pas dûs, d'avoir "couru des femmes et abusé d'elles", d'avoir blasphémé le nom de Dieu...et il a tué des civils, des pauvres villageois y compris des pauvres femmes sans défense, certains en les jetant du haut des remparts, d'autres à coup de pistolet ou d'épée. En résumé, oui, c'était bien un violeur et un meurtrier.
Robert Fonville explique: "Si l'on se rapporte aux coutumes et aux moeurs de l'époque, c'était là choses fréquentes surtout parmi les gens de guerre. On aurait pu en dire autant de n'importe quel capitaine." On ne peut qu'être d'accord avec lui sur le fond, historiquement parlant. Cela ne l'excuse pas pour autant.
Vus de notre 21ème siècle, près de 400 ans plus tard, ces violences sur les individus, ces harcèlements sexuels et même ces viols pratiqués sur de nombreuses femmes, sont et seront toujours totalement inexcusables quelle que soit l'époque. Cela suffit-il pour ramener le personnage de Lacuzon à celui d'un vulgaire soudard ? Non, cent fois non ! D'abord qu'est ce qu'un soudard ? L'encyclopédie donne 2 sens : mercenaire, et soldat grossier et brutal; (en général on peut être l'un et l'autre en même temps) Lacuzon n'était pas un mercenaire mais un soldat régulier au service de Sa Majesté le roi d'Espagne; il ne savait pas lire mais les textes qu'il dictait à son secrétaire, étaient clairs et émanaient sans le moindre doute d'un homme très intelligent.
Le gros problème de Lacuzon, c'est que maintenant, nous le voyons sous un mauvais éclairage, il avait cru dans la couronne d'Espagne, (un bien mauvais maître) et il avait combattu les Français qui étaient donc ses ennemis d'alors, mais les Comtois sont devenus français et Lacuzon s'est retrouvé dans le mauvais camp et le mauvais rôle, celui du vilain soudard accusé de tous les vices.
Oui, le nom de Claude Prost dit le capitaine Lacuzon mériterait de figurer davantage sur les plaques émaillées des rues et des places de nos villes et villages comtois; que toutes les municipalités qui l'ont déjà fait, en soient ici félicitées et remerciées: citons-les et pardon à celles que j'omets par manque d'information : je serais ravi de les y ajouter.
Dans le Jura : Dole, Lons-le-Saunier, Vernantois, Saint-Claude, Saint-Lupicin, Longchaumois, Crotenay, Menétrux-en-Joux, en Haute-Saône : Gray
Le Président Edgar Faure a écrit en 1955 une remarquable préface au livre de Robert Fonville et je ne peux mieux faire de que de la retranscrire dans son intégralité. lire cette préface
Longchaumois : " Comme son nom l'indique, fut dans l'origine un chalet parmi les vastes possessions des moines de Saint-Oyan-de-Joux (ancien nom de Saint-Claude selon Désiré Monnier) -
Cette commune de 5700 hectares, la plus vaste du Jura, est installée sur un vaste plateau. Le village est situé à 12 kms de Morez et à 13,5 km de St-Claude. Il posséde l'une des plus belles églises rurales du département du Jura. Construite dans la première moitié du 17ème siècle, elle témoigne des persistances romanes et gothiques dans cette partie du Jura : 4 paires de grandes arcades en plein cintre portent une voûte en vaisseau brisé; le coeur est voûté d'ogives. voir les cartes de la région
Edgar Faure : né à Béziers ( Hérault) en 1908, mort à Paris en 1988, juriste, historien, homme politique Radical-Socialiste. - Il fit partie sous le Vème République de divers gouvernements et fut par 2 fois Président du Conseil (1952 et 1955-1956) - Sous la Vème République, il se rapprocha du gaullisme et fut 3 fois ministre notamment de l'Education Nationale (1968-1969) puis Président de l'Assemblée Nationale (1973-1978) - Il fut élu à l'Académie Française en 1978. S'il n'était pas Comtois de naissance, il l'était assurément de coeur et a prouvé son attachement à cette région et à ses habitants. Il a notamment créé à St-Claude, avec Alain Cole la confrérie des maîtres pipiers, le 1er mai 1966.
Député du Doubs, constamment réélu de 1967 à 1980, maire de Pontarlier de 1971 à 1977, il fut également Président du Conseil Régional de Franche-Comté à partir de 1974. Il fut élu député radical-socialiste du Jura en 1946, siège qu'il conserva sans interruption jusqu'en 1958, et confirma son implantation locale en devenant maire de Port-Lesney, mandat qu'il détint jusqu'en 1970, puis de 1983 à sa mort. Il joua un grand rôle en Franche-Comté et son image très positive reste attachée au coeur des Francs-Comtois bien longtemps après sa mort.
Voir la suite de la vie palpitante de Lacuzon : Les combats de Lacuzon
Les épisodes de la guérilla contre les français, les victoires et les défaites , les demeures de Lacuzon : Montaigu, St-Laurent-la-Roche, les compagnons : Andressot, Pille-Muguet, Tranche-Montagne, La Jeunesse...
voir l'excellent site de Jean-Michel Guyon qui raconte l'histoire de ce château et les épisodes qui s'y déroulèrent pendant les guerres de Franche-Comté : http://jeanmichel.guyon.free.fr/monsite/histoire/cdc/cdc.htm - Lacuzon fait l'objet d'un article sur Wikipédia
Photos : Spéléos du Haut Jura : http://spelehautjura.com - Serge Réalini - Encyclopédie Microsoft Encarta 98 - Géoportail I.G.N : https://www.geoportail.gouv.fr/
© Roland Le Corff page créée le 21/02/2002 - version du 10/03/2021