Histoire des tramways de Toulon- Tramways a chevaux

Les tramways de Toulon :

les tramways hippomobiles : 1886-1897

Au temps des omnibus à chevaux :

Il faut imaginer un temps où les transports en commun n'existaient pas, où les gens se déplaçaient à pied sur de longues distances pour se rendre à leur travail. Il faut lire cette histoire des transports dans notre région à travers les pages très documentées du regretté Marius Autran. Dans son chapitre intitulé du Bourriquet au S.I.T.C.A.T http://jcautran.free.fr/oeuvres/tome1/du_bourriquet_au_sitcat.html L'auteur nous retrace un historique complet de l'évolution des modes de transports dans la région seynoise et donc toulonnaise par extension.

Pour information, Le S.I.T.C.A.T était le Syndicat Intercommunal des Transports en Commun de l'Agglomération Toulonnaise, le prédécesseur du Réseau Mistral.

A la fin du 19ème siècle, Toulon s'était modernisé, la plupart des grands édifices publics seront construits le long du boulevard de Strasbourg entre 1860 et 1887, la gare ayant pour sa part été bâtie en 1852 par le PLM. Ces nouvelles constructions sont très inspirées par le style du baron Haussmann (il fut d'ailleurs préfet du Var en 1849) qui a embelli les quartiers de Paris de 1853 à 1870 d'une manière parfois un peu brutale.

Les quartiers périphériques avaient pris de l'extension : Maisons Neuves, St-Jean du Var, le Mourillon, Ste-Anne, Siblas, St-Roch, le Pont du Las puis Ollioules, la Seyne et la Valette. Les déplacements devenaient de plus en plus nombreux et difficiles, les dilligences étaient insuffisantes, des lignes d'omnibus furent établies.

Au début du 20ème siècle, les déplacements étaient assurés par des services hippomobiles. Des petits omnibus, comme les " Roulez " ( parfois orthographiés Roulé ou Roulet) de Dardennes ou de La Seyne, desservaient les faubourgs. Ils étaient tirés par deux chevaux.

Doc Marius Autran - Un omnibus du type Roulez à La Seyne.

Peinture de Jean-Pierre Longato -Le même omnibus mais en couleurs d'époque

Enfin le rail !

L'ancêtre du tramway a été inventé en 1775 par l'anglais John Outram (qui aurait inspiré le mot tram qui ajouté au mot way signifiant voie, donnera tramway); ce véhicule de transport en commun, tiré par 2 chevaux, circulait sur deux files de rails en fonte mais il ne fut pas exploité en ville. En 1832, John Stephenson construisit le premier tramway urbain à New York entre le haut de Manhattan et Harlem.

C'est le Français, Alphonse Loubat, originaire de Nantes qui inventa en 1862 les rails à gorges, encastrés dans la chaussée. Loubat connut un succès immédiat avec son invention car auparavant, les rails en saillie sur la chaussée présentaient d'énormes inconvénients pour les autres véhicules, notamment les charrettes, fiacres etc..Loubat construisit la ligne de la 6ème avenue à New York en 1852; en 1853 ce fut le tour de Paris entre la place de la Concorde et Saint-Cloud.

Le sytème Loubat est constitué d'une gorge qui reçoit le boudin de la roue, car la voie est encastrée dans la chaussée routière contrairement au rail de type Vignole par exemple qui est en saillie sur la chaussée.

Doc. Wikipédia - Claude Shoshany - Illustration page 116 du livre "Tramways - Construction et exploitation" de D. KINNEAR CLARK, I . C. et M. 0. CHEMIN, Ingénieur des ponts et chaussées, édité chez Dunod à Paris, 1880 - Profil en coupe du rail inventé par Alphonse Loubat pour ses "chemins de fer américains" (tramways hippomobiles)

Doc ACTV (L'association des Conducteurs de Trains à Grande Vitesse ) - Une variante de rail à gorge plus moderne que celle de Loubat, est le rail type Broca.

Photo R. Le Corff - Des voies de tramways insérées dans un pavage.

La naissance du réseau de tramways :

La première déclaration d'utilité publique marquant le début des transports en communs toulonnais date du 18 janvier 1876. La ville de Toulon allait enfin être équipée de transports en commun dignes de la grande cité moderne qu'elle devenait. La population croissait rapidement, elle était de 70.500 habitants en 1876, elle montera à plus de 100 000 habitants en 1901.

A l'origine, le réseau de tramways hippomobiles devait être installé par la Compagnie Générale des Omnibus de Marseille (CGO)

1881 : Entre janvier 1876 et le début de l'année 1881, l'exploitation des lignes se fait toujours par des omnibus à chevaux, la décision du 18 janvier 1876 n'a pas encore donné de résultats concrets. Ce n'est que le 16 janvier 1881 que le Journal officiel publiera le décret du Président de la République déclarant d'utilité publique la création de trois lignes de tramways dans la ville de Toulon. Un traité de rétrocession fut signé les 25 et 29 juillet 1881 entre la ville de Toulon et la CGOM mais celle-ci fut totalement incapable de tenir ses engagements. D'abord retenue et déjà éliminée dans la capitale phocéenne, elle dispersa ses efforts sur les réseaux en construction à Nîmes et à Nice.

1882 : En juin 1882, la compagnie CGO est en faillite et sa déchéance est prononcée par le ministre des travaux publics, le 15 janvier 1883 . La ville étudie les propositions de Monsieur Arthur Rénier, un citoyen belge, et les accepte. Il prend ainsi la succession de la CGO. il donnera la preuve de l'efficacité belge.

1883 : Les travaux d'implantation des voies commencent, la première ligne doit traverser la ville d'ouest en est, reliant Bon Rencontre à Saint-Jean-du-Var en passant par la place Notre-Dame (future place Noël Blache)

1886 : Inauguration le 17 janvier 1886 des lignes N° 1 et 2. La première part de la place Notre-Dame à Bon-Rencontre et la deuxième de la même place Notre-Dame au pont de Saint-Jean-du-Var.

Le dimanche 1er août 1886 aura lieu l'inauguration du prolongement de la ligne vers La Valette.

La durée du trajet entre Toulon et La Valette est de 45 minutes pour une distance de 5 km. La ligne N° 2 partira de la place de la Liberté. Cette desserte cessera lors de la mise en place des tramways électriques et la ligne prit pour son ensemble le numéro 1 depuis La Valette jusqu'à l'octroi de Bon Rencontre.

1888-1889 : Le projet de la ligne N° 3 pour le Mourillon était en discussion depuis 1886 mais le tracé en avait déjà été envisagé dans la décision du 18 janvier 1876. En août 1888, Monsieur Arthur Rénier fait savoir qu'il est toujours prêt à achever les travaux de la ligne N° 3 mais il demande que la ville se décide pour l'un des 2 tracés qui'il a présentés. Le tracé N° 2 est finalement choisi par la municipalité, il longe le quai de la Sinse, monte par la rue Lamalgue et aboutit à l'extrémité du boulevard Ste-Hélène face à l'établissement de bains du même nom, au Mourillon.

Les travaux commencent en 1889, la voie est posée de la place Louis Blanc jusqu'au bout du boulevard de l'Eygoutier. En 1890 la ligne fonctionne jusqu'à la hauteur de la rue Lamalgue. A la Mitre, on construit un petit dépôt (dit du Polygone) qui servira plus tard pour les tramways électriques puis pour les trolleybus (voir page sur le dépôt de la Mitre)

1892 : Le tramway arrive enfin aux bains Ste-Hélène. On est arrivé au bout du tracé des voies desservies par des tramways hippomobiles. (il faudra attendre 1911 pour que la ligne parvienne au Petit Bois)

1894 : Le terminus valettois est allongé jusqu'au centre du village, place Camille Ledeau.

1895 : Monsieur Arthur Rénier cède sa concession à la toute nouvelle Société des Tramways du Var et du Gard (S.T.V.G)

1896 -1897 : En 1896, la décision est prise d'électrifier le réseau. En 1897 les travaux sont rondement menés et le jeudi 22 juillet 1897 sont effectués les premiers essais entre La Valette et le Champ de Mars. C'en est presque fini des tramways tirés par des chevaux car la mise en place de l'électrification va se continuer de manière progressive. Le trajet ente la place Notre-Dame et La Valette est ramené de 45 minutes à 15 minutes, le progrès en gain de temps est énorme.

Au temps des tramways hippomobiles :

L'exploitation par des tramways tirés chacun par 2 chevaux normands démarre le 17 janvier 1886. Compte-tenu de la charge importante du véhicule ( certains peuvent contenir 40 voyageurs plus le cocher et le conducteur-receveur) il était physiquement impossible pour les chevaux de tracter une remorque pour voyageurs comme le feront les tramways électriques quelques années plus tard. Cependant les tramways à chevaux seront néanmoins suivis d'un petit chariot roulant sur rails attelé au véhicule des voyageurs pour transporter quelques marchandises de faible poids (cageots, colis...). Il n'était bien sûr pas question de voyageurs sur ce type de wagon.

Voici ce que nous dit une description de l'époque (1886) : "Chaque tramway sera suivi d'une autre voiture plus petite affectant la forme d'un wagon et dans laquelle les habitants de la campagne, les lavandières, les marchandes de fruits et de légumes déposeront leurs colis."

Carte postale - Rare photo d'un tramway à chevaux au Pont-du-Las à un époque où les fils du tramway électrique sont déjà en place. Derrière le tramway, on voit une charette tirée par un cheval.

Sources et iconographie, sites web à consulter :

L'immense majorité des renseignements et photos sur les tramways provient de l'ouvrage suivant : "1880-1980 Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel, paru en 1985 à compte d'auteur; imprimé par les Presses de l'Atelier du Beausset - 83330 Le Beausset.( épuisé et difficile à trouver)

Marius Autran (†) : Histoire de La Seyne-sur-Mer (Var) : La Seyne Récits, portraits, souvenirs : http://jcautran.free.fr/ le site a mis en place et il est mis à jour par son fils, Jean-Claude Autran.

Photos RMTT et STVG : Tout d'abord un immense merci à Yohan Keller (ASBTP : Association pour la Sauvegarde des Bus Toulonnais et Provençaux, page Facebook : https://www.facebook.com/asbtp.toulon )pour les magnifiques photos qu'il m'a transmises. Certaines sont de Philippe Benoît ou de Mr Giraud.

Peinture de Jean-Pierre Longato : Le Roulez devant la gare de La Seyne ( voir aussi ses autres peintures sur la page suivante : http://www.mes-annees-50.fr/Tramways_toulon_souvenirs_p2.htm et

Jean Robert (†) " Histoire des Transports dans les Villes de France" édité à compte d'auteur en 1974 - épuisé ( Jean Robert fut l'un des fondateurs de l'AMTUIR) - La photo de la motrice série D d'origine RATVM est tirée du livre de Jean Robert.

Jacques Laupiès (†) et Roland Martin (†), "Les tramways de Marseille ont cent ans", 1976 et 2ème édition chez Tacussel 1990

Wikipedia pour l'article sur les anciens tramways de Marseille - Documentation de la CGFT ( Compagnie générale française de Tramways). - Photo Motrice série D N°646 scannée par Claude Villetaneuse sur Wikipédia.

CNUM : Conservatoire Numérique des Arts et Métiers.

Autres photos: collection personnelle de cartes postales de Roland Le Corff dont certaines issues de la collection de Renaud Sémadéni (Toulon)

Musée de l'AMTUIR : http://www.amtuir.org/ Merci à Thierry Assa, secrétaire de l'AMTUIR qui m'a autorisé à utiliser des photos provenant de la collection du musée.