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Les motrices SCHUCKERT

Les prémices : Les motrices Schuckert ( prononcer à l'allemande : "choukertt") sont les premiers tramways électriques qui équipèrent le réseau de Toulon (géré par la STVG)  lors de l'abandon de la traction par les chevaux, qui eut lieu en 1897. Rappelons que les tramways hippomobiles circulaient depuis le 17 janvier 1886. Les 2 lignes desservies seront : Brunet-Bon Rencontre -Escaillon et Place Louis Blanc-Le Mourillon (Bains Ste-Hélène).

 Les travaux vont bon train et le jeudi 22 juillet 1897 s'effectuent les premiers essais entre la Valette et le Champ-de-Mars. Le directeur de la Compagnie, M.Jansen, passe des consignes de sécurité aux charretiers et leur demande de bien tenir leur attelage afin d'éviter que les chevaux non familiarisés avec les nouveaux tramways ne s'effraient et provoquent des accidents. Malgré cette mise en garde, ils ne seront pas évités.

La ligne a été livrée clefs en mains par la firme allemande Schuckert, de la ligne aérienne de 600 volts avec son usine de production d'électricité située à Brunet aux trente motrices et aux wattmen. La conduite des véhicules fut en effet assurée pendant les premières années d'exploitation, par des employés allemands de la firme Schuckert..

Des numéros impairs ont été attribués aux motrices, de 1 à 59 ( les nombres pairs étant réservés aux remorques). Il faut remarquer que la motrice que nous voyons sur la photo ci-dessous porte un numéro pair, le N°18, il faut croire que cette photo a été prise aux tout premiers temps de l'exploitation et que le nouveau système de numérotation n'avait pas encore été mis en place.

Les motrices flambant neuves, partent du rond-point du Champ de Mars jusqu'à l'entrée de la Valette, le 25 juillet, les Schuckert roulent dans St-Jean du Var et le 26...a lieu le premier accident ! La cause sera toujours la même dans les années à venir : montée ou descente en marche. La durée du parcours n’est plus que de quinze minutes.

Success story ! Le vendredi 30 juillet 1897, c'est l’inauguration, vingt-sept mille voyageurs découvriront leurs nouveaux " trams " avec enthousiasme entre Bon Rencontre et La Valette. Fonctionnement parfait : chaque voiture a parcouru 120 kms entre 6 heures du matin et le dernier parcours dans la nuit à 3 heures du matin. Huit voitures sur trente ont circulé.

Après la fin de la 2ème guerre, peu de Schuckert étaient encore vraiment en état d'assurer un service de qualité (voir le chapitre sur la qualité allemande). Elles ont du être démolies avant 1950.

Les plaques de direction, ici, La Valette-Toulon-Escaillon, sont accrochées au-dessus des baies vitrées ( lettrage blanc sur fond rouge) Chaque ligne a une couleur différente. Sur le toit est fixé un énorme placard publicitaire pour le chocolat Menier ( fond bleu foncé avec lettrage blanc). La machine affiche Tramways de Toulon dont le logo était 2 T entrelacés (celui qui est reproduit à gauche du titre de cette page)

La société Schuckert :

Schuckert & Co était une société d'électricité allemande basée  à Nuremberg en Bavière. En 1873, Sigmund Schuckert fondait un atelier à Nuremberg. En 1891, Schuckert participe à l'exposition  électrotechnique internationale d'un très grand renom . Après sa transformation en société anonyme par actions en 1893, elle est rebaptisée Elektrizitäts- AG (Compagnie d'électricité) anciennement Schuckert & Co. Dès 1894, Les villes de Barmen et Elberfeld, 2 villes à proximité de Wuppertal,  passent un contrat avec E- AG pour la construction et l'exploitation du futur train suspendu de Wuppertal (Wuppertaler Schwebebahn), un monorail de 13 kms de long, inauguré en 1901. Il fonctionne toujours de nos jours.

E- AG présente entre 1899 et 1900, une automobile propulsée par des moteurs électriques. En 1903 la société est reprise par Siemens & Halske avec qui elle devient Siemens-Schuckert (SSW). Plus tard, ce groupe deviendra le groupe Siemens de renommée mondiale dans le domaine des équipements électriques..

Le groupe Siemens dont le siège est à Munich, est le premier employeur privé d'Allemagne et la plus grande société d'ingénierie en Europe. Il est producteur d'automation, télécommunications, matériels ferroviaires, industrie automobile, électroménager, éclairage, informatique, audiovisuel, équipement médicaux, semi-conducteurs, centrales électriques, appareils rayons X, équipements électriques, métallurgie. Il emploie plus de 300.000 personnes.

Schuckert a dressé les plans de la motrice et a fourni tous les équipements électriques (moteur, perche, résistances, commandes..) mais la réalisation du châssis et de la carrosserie (entièrement en bois) a été sous-traitée à une entreprise française, Desouches & David basée en région parisienne.

La Société Desouches & David avait son usine installée dès 1855 à Pantin (aujourd'hui en Seine-St-Denis : dépt 93). Au fil des ans, grâce à un développement rapide, elle avait fini par s'étendre sur 40 000 m2 (soit 4 hectares). Elle emploie alors près de 650 ouvriers qui fabriquent voitures et wagons pour l'armée et les compagnies de chemin de fer alors en pleine expansion.

Desouches & David  fut  notamment le fournisseur de voitures de voyageurs pour les Chemins de fer du Sud France (voir Le train du littoral et plus spécialement la page inventaire du matériel roulant.

Carte postale - Ci-dessus la Schuckert N° 5 descend l'avenue Vauban. On aperçoit la gare dans le fond.

Carte postale colorisée Frédéric Durante -  Prise  au même endroit, la Schuckert N° 19 arrive au bas de l'avenue Vauban avant de tourner à gauche sur le Bd de Strasbourg.

Coll. R. Le Corff - Photo les fils de A. Figard - fonds Renaud Sémadéni - Vers 1906, la  motrice Schukert N° 49 avec sa réclame pour le grand magasin des Dames de France, stationne au point terminus des tramways aux 4 chemins des Routes. Sur la gauche, le contrôleur moustachu à l'allure quelque peu militaire, pose fièrement avec sa sacoche en bandoulière. Pas l'air commode, le gars !! Les resquilleurs n'avaient qu'à bien se tenir avec un pareil cerbère.   (Cliquer pour agrandir)

La même en gros plan - Le wattman conduit la motrice debout, la manette du frein dans sa main droite et la poignée d'accélérateur dans sa main gauche. La science de l'ergonomie n'était pas encore née.

Carte postale Marius Bar - Au pied de l'église St-François de Paule, place Louis Blanc en bas du cours Lafayette, une Schuckert desservant la ligne Mourillon -Gare, avec une pub pour Dubonnet, un apéritif au quinquina en vogue à cette époque. L'église est elle aussi, couverte d'affiches publicitaires, pas beaucoup de respect pour les monuments religieux et historiques, à cette époque !   

Photo Marius Bar - Devant le grand magasin des Dames de France dans sa version de 1912, voici la  Schuckert  N° 23 avec une pub pour le célèbre bouillon KUB, une invention du suisse Julius Maggi datant de 1907.

Carte postale Marius Bar - La  motrice  Schuckert N° 3 sur la ligne N° 3 du Mourillon, avec le  petit port et le fort Saint-Louis en fond. Cette motrice est surmontée  d'un énorme panneau publicitaire pour un produit inconnu de nos  jours, le "Phénol Bobeuf". Il s'agissait d'un médicament.  Il était indiqué comme étant un désinfectant énergique, antiputride, antiscorbutique, anti-épidémique et hémostatique, guérissant, prévenant ou détruisant la gangrène, le charbon, etc. Boboeuf était un chimiste, inventeur de ce produit. Remarquer les poteaux avec leur renforts tout en courbes qui soutiennent la ligne d'alimentation. Le tram affiche sa destination finale, la gare.

Coll. R. Le Corff - Photo les fils de A. Figard - fonds Renaud Sémadéni- Cette vue priseà la station Sainte-Hélène au Mourillon, est très intéressante car elle montre derrière la motrice Schuckert N°3, une remorque du type balladeuse qui permettait de voyager le nez au vent. (Cliquer pour agrandir et voir la photo en entier)

 

Les motrices Schuckert à plateformes extrêmes ouvertes comportent 2 moteurs AB 734 Schuckert de 40 ou 45 CV (selon les sources) dont la commande s'effectuait suivant le système Schuckert à variation du champ inducteur par fractionnement des bobines. Cet équipement sera remplacé en 1901 par un équipement classique avec moteurs GE 800 ou TH 4. D'après Jean Robert, en 1901, les premières motrices Ivry furent équipées de moteurs récupérés sur des Schuckert. Les châssis vitrés étaient coulissants et rentraient dans le bas de la caisse. Des stores en tissu permettaient de se protéger du soleil.

Ce qui pourrait surprendre de nos jours, ce sont les très petites dimensions de ces motrices, avec une longueur de seulement 6,50 m pour 1,90 m de large soit une surface de plancher d'un maximum de 12 m2 . Leur capacité totale aurait été de 32 places.

Deutsch Qualität :  La qualité ALLEMANDE !

La qualité allemande n'est pas une légende, il suffit pour en juger de consulter les inventaires du matériel réalisés en 1930 et en 1946. En 1930, les 30 Schuckert étaient toutes présentes à l'appel, elles étaient alors âgées de 33 ans en moyenne. En 1946, il en restait encore 15 en service, âgées de 49 ans soit la moitié de l'effectif d'origine mais dans un état probablement très vétuste.

On en comptait également 3 sinistrées ou hors d'usage après collision et 10 avec leur moteur hors d'usage. On trouve donc la trace de 28 machines sur 30 en 1946 ce qui est remarquable. Mais soulignons que nos Tisy  et nos Carde bien françaises roulèrent pour certaines jusqu'en 1955 soit après une cinquantaine d'années de service.

A partir de 1912, la STVG desservait notamment la ligne la Valette - Ollioules. A partir de 1936, la ligne du pont de l'Escaillon à Ollioules n'est plus exploitée, les remorques abandonnées en pleine voie gênent la circulation. La ligne sera remise en exploitation en 1940, les vieilles Schuckert datant de l'origine du réseau (1897) sont même remises en service mais elles devront être rapidement retirées car leur état de vétusté présente un réel danger.

 

Sources et iconographie, sites web à consulter :

L'immense majorité des renseignements et photos sur les tramways  provient de l'ouvrage suivant : "1880-1980  Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel, paru en 1985 à compte d'auteur; imprimé par les Presses  de l'Atelier du Beausset - 83330 Le Beausset.( épuisé et difficile  à trouver).

Photos  RMTT et STVG : Tout d'abord un immense merci à Yohan Keller (ASBTP : Association pour la Sauvegarde des Bus Toulonnais et Provençaux, site : http://www.asbtp83asso.fr/) pour les magnifiques photos qu'il m'a transmises. Certaines sont de Philippe Benoît  ou de Mr Giraud.

Un très grand merci à Jean-Pierre Longato pour son tableau illustrant la motrice Schuckert et à Albert Clavel pour ses informations sur la couleur des tramways toulonnais..

Hélas parmi tous les passionnés qui ont permis de collecter les données historiques ou les photos qui illustrent ces pages, beaucoup nous ont quittés, les petites croix (†) figurant auprès de trés nombreux noms cités ci-dessous en témoignent hélas. Je dédie ces pages à leur mémoire en gage de ma reconnaissance.

Frédéric Durante (†)  ARTM (Amis du Rail et des Transports de Marseille) - Claude Borderie (†) FACS Fédération des amis des chemins de fer secondaires

Les données historiques sur les Ets Carde proviennent de Charge utile magazine N° 134, 135 et 136 sortis en 2004 et du site http://ruedupetittrain.free.fr/personnages/carde-gustave.htm  

Jean Robert (†) " Histoire des Transports dans les Villes  de France" édité à compte d'auteur en 1974 - épuisé ( Jean Robert fut l'un des fondateurs de l'AMTUIR)

Wikipedia pour l'article sur les sociétés Schuckert et Siemens - Documentation de la CGFT ( Compagnie générale française de Tramways, réseau de tramways du Havre) conservée aux archives de la ville du Havre.

Autres photos: collection  personnelle de cartes postales de Roland Le Corff dont certaines issues de la collection de Renaud Sémadéni (Toulon)  ou de Marius Bar - Merci également à Jean-Marc Audirac et à Louis Bobinec  pour leurs photos et à Bernard Carruesco : voir son excellent site sur les jetons de transport par tramways : Jacques Bérengier pour ses superbes maquettes de tramways, à voir sur son site Transports miniatures.

Musée de l'AMTUIR : http://www.amtuir.org/   Merci  à Thierry Assa, secrétaire de l'AMTUIR qui m'a autorisé à utiliser  des photos provenant de la collection du musée.

-   ©  Roland Le Corff  -  créée le 07/06/2003 - version du 20/04/2021