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Les motrices Carde du réseau de Toulon furent construites entre 1906 et 1908 par les Établissements Gustave Carde. Créée à Bordeaux en 1860, la maison fondée par Gustave Carde exerce à ses débuts la plupart des métiers du bois. L'affaire va se développer considérablement avec l'appui de Paul et Georges, les 2 fils de Gustave et Victorine Carde. A la fin du 19ème siècle elle se lance dans la fabrication de wagons pour les compagnies de tramways et de chemins de fer. En 1899 elle prend le nom de Gustave Carde & fils & Cie.
.Photo parue dans Charge utile N° 134 de février 2004. Ci-dessus une affiche de 1909 des établissements Gustave Carde et Fils à Bordeaux; on peut y lire que le nombre d'ouvriers s'élève à 1246 et le chiffre d'affaires se monte à la coquette somme pour l'époque de 5.851.324 Francs. La société créée en 1860 à Bordeaux cessera ses activités en 1974 après avoir principalement travaillé dans l'industrie ferroviaire. |
Carde se lancera timidement dans la construction automobile (seulement une dizaine de voitures produites) avant d'abandonner. Gustave, le fondateur meurt en 1909 à l'âge de 70 ans. Ses 2 fils Paul et Georges créent le 3 octobre 1913, la Société de construction et d'entretien de matériel roulant (SCEMR). En 1914, la maison Carde emploie 1500 salariés ce qui fait dire qu'elle fut l'une des plus importantes entreprises bordelaises.
Pendant la guerre de 14-18, la société fabriquera grenades et obus en grandes quantités (des millions). La présence du constructeur Ford à Bordeaux est une vraie opportunité pour Carde. Fin 1922, la société Gustave Carde & fils s'allie avec Ford pour inventer le système "Fregoli" de carrosserie modulable par l'utilisateur sur la base de la Ford T. La production journalière est de 10 camionnettes et 10 camions. Carde carrossera aussi des ambulances sur châssis Ford. On a même découvert que quelques avions du type SPAD furent construits par Carde en 1918.
Le 27 mai 1919, la maison Gustave Carde & fils, société anonyme, cède son "fonds de commerce et d’industrie", concernant la construction, la réparation et la vente de tout matériel roulant sur rail. Avec un capital désormais porté à 11 millions de francs, les Forges de Frémaux changent leur raison sociale et deviennent la CIMT ("Compagnie industrielle de matériel de transport, Anciens ateliers de matériel roulant Carde et Frémaux réunis").
Carde carrossera des camions, des autocars, l'histoire est longue mais elle s'arrêtera presque le 15 octobre 1937 par la dissolution de la société Gustave Carde fils. En 1938, une nouvelle société Carde est remontée par le petit-fils de Gustave Carde, prénommé également Gustave. La production redémarrera avec des carrosseries d'autocars Citroën et Panhard. A partir de 1957, Carde se lancera dans la construction ferroviaire. Gustave Carde, 2ème du nom meurt en 1969. En 1978, Carde se lance dans la construction de cabanons préfabriqués pour l'armée. Finalement la crise pétrolière de 1973 sera fatale à l'entreprise et elle disparaît cette année là.
Le souvenir de Carde survivra par sa branche CIMT qui finira par être intégrée au groupe de construction ferroviaire Alsthom en 1983.
Copyright photo Marius Bar - TOULON - Photo colorisée Frédéric Durante - La motrice Carde N° 101 de la CPTE en provenance de la Garde, aborde le tronc commun de la ligne N° 1 à Saint-Jean du Var et prend la direction de la ville. Complètement à gauche de la photo se trouve le pont de chemin de fer de Saint-Jean qui enjambe la route de la Valette. |
Les Carde débutèrent leur carrière sur la ligne Toulon- Hyères par La Valette et La Garde, ligne gérée par la CPTE (Compagnie provençale de tramways électriques, fondée en 1904). Au nombre de 16, elles portaient les numéros de 101 à 116. La STVG (Société des Tramways du Var et du Gard) remplaça la CPTE en 1908 et récupéra le matériel. Les 16 Carde furent alors renumérotées de 101 à 131 selon le système quelque peu original en vigueur à la STVG (numéros impairs pour les motrices et pairs pour les remorques).
Les Carde ressemblent beaucoup aux Tisy et aux Ivry mais un peu plus longues : 9,45 m contre 8,85 m pour les Ivry et 7,85 m pour les Tisy. Comme ces dernières, les Carde sont entièrement en bois mais avec une paroi intermédiaire à 2 compartiments (un de 1ère classe et un de 2ème). Il y avait 5 châssis vitrés amovibles sur chaque face : 4 grands et un petit. En version d'origine, les plates-formes situées à chaque extrémité sont ouvertes avec une condamnation par portillons amovibles. Les banquettes sont transversales. Les motrices sont montées sur un truck Brill type U-7 de 2,113 m d'empattement. La société Brill est bien connue de tous les passionnés de tramways notamment pour ses fameux trucks mais peu du grand public, elle mérite donc un petit rappel historique.
Johann Georg Brill est né en 1817 à Kassel en Allemagne (Land de Hesse). En 1847, à l'âge de 30 ans , il émigre aux Etats-Unis, à Philadelphie (Pennsylvanie) avec sa femme et ses deux enfants. Un fois aux USA Johann Georg américanise son nom en John George Brill. Après avoir travaillé pendant 20 ans, pour la société de construction de véhicules ferroviaires Murphy et Allison, il fonde en 1868, avec son fils George Martin Brill , la firme JG Brill & Fils qui sera spécialisée dans la construction de tramways à chevaux, de tramways à traction par câbles (un système encore utilisé à San Francisco), puis en constrcution de tramways électriques (urbains et interurbains), de trolleybus. Ses trucks pour tramways seront distribués dans le monde entier.
En 1887, la société prend le nom de JG Brill and Company . Elle deviendra l'un de plus grands constructeurs mondiaux de tramways et d'autres véhicules pour les transport en commun. La JG Brill Company fabriquera aux États-Unis, des tramways , des autocars interurbains, des autobus, des trolleybus pendant près de 90 ans.
J.G. Brill décède en 1888, et ses trois fils reprennent la société familiale. Ils font construire une nouvelle usine à l'angle de la 62ème rue et de Woodland Avenue, sur un site idéalement situé entre deux voies de chemin de fer.
En 1902, la société Brill & Co est le plus important fabricant de matériel roulant aux Etats-Unis. La société est en pleine expansion et rachète d'autres usines à travers les USA, elle rachète American Car en 1902, G.C. Kuhlman Car et John Stephenson Car en 1904, Wason Manufacturing en 1906, Danville Car en 1908.
JG Brill ouvrira même sa première usine à l'étranger, en 1908 en France, à Gallardon (Eure-et-Loir) afin d'assurer la production des véhicules (principalement des tramways) ainsi que des trucks et bogies destinés aux marchés étrangers. Elle sera également connue sous le nom de Compagnie Brill.
Dans les années 1930, la firme souffre de la dépression économique. En 1930 apparaît aux USA le concept PCC : La conception des tramways vécut une révolution quand, en 1931, une conférence réunissant plusieurs présidents de compagnies de tramways américaines, le Electric Railway Presidents Conference Committee, élabora les spécifications du tramway PCC, le but étant d’offrir aux voyageurs un moyen de transport confortable susceptible de les détourner de l’automobile.
Le problème fut que la JG Brill Company fut exclue du concept "PCC", l'entreprise cesse alors ses activités de production de tramways et restreint ses activités dès le début des années 1940. Brill fusionne en 1944 avec l' American Car and Foundry Company (ACF) pour devenir ACF-Brill. Elle cesse définitivement ses activités en 1954 après avoir produit, au total, plus de 45 000 voitures de chemin de fer, tramways, trolleybus, autobus et remorques.
Après la libération, fin août 1944, une tentative de rénovation des vieilles voitures est en train de se faire. Il semble écrit Gabriel Bonnafoux, que les wattmans soient devenus plus fragiles pendant ces dures années car les motrices Ivry, Tisy et Carde non vestibulées, se voient munies d'un pare-brise peu esthétique mais efficace. Pour la série des Carde, 11 véhicules sur les 16 furent vestibulés, le résultat ne fut pas si mauvais que ça comme on peut l'apprécier sur les photos ci-dessous. Une fois de plus, on a fait du neuf avec du vieux, c'était un peu la spécialité du réseau toulonnais depuis toujours.
Photos archives STVG et RMTT : Tout d'abord un immense merci à Yohan Keller (ASBTP : Association pour la Sauvegarde des Bus Toulonnais et Provençaux, site : http://www.asbtp83asso.fr/) pour les magnifiques photos qu'il m'a transmises. Certaines photos sont de Philippe Benoît. Un grand merci également à Jacques Visconti qui a retrouvé des photos inédites.
Hélas parmi tous les passionnés qui ont permis de collecter les données historiques ou les photos qui illustrent ces pages, beaucoup nous ont quittés, les petites croix (†) figurant auprès de trés nombreux noms cités ci-dessous en témoignent hélas. Je dédie ces pages à leur mémoire en gage de ma reconnaissance.
Photos Marius Bar-Toulon
Frédéric Durante (†) ARTM (Amis du Rail et des Transports de Marseille) - Claude Borderie (†) FACS Fédération des amis des chemins de fer secondaires
L'immense majorité des renseignements et photos sur les tramways provient de l'ouvrage suivant : "1880-1980 Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel, paru en 1985 à compte d'auteur; imprimé par les Presses de l'Atelier du Beausset - 83330 Le Beausset.( épuisé et difficile à trouver) -
Ets Carde : Les données historiques sur les Ets Carde proviennent de Charge utile magazine N° 134, 135 et 136 sortis en 2004 et du site http://ruedupetittrain.free.fr/personnages/carde-gustave.htm . Je remercie également Monsieur Jean-Louis Carde, un des petit-fils de Georges Carde qui m'a très gentiment fourni une abondante documentation et a rectifié une erreur de date dans mon texte.
Jean Robert (†) " Histoire des Transports dans les Villes de France" édité à compte d'auteur en 1974 - épuisé ( Jean Robert fut l'un des fondateurs de l'AMTUIR)
Wikipedia (USA) pour l'article sur la compagnie JG BRill : https://en.wikipedia.org/wiki/J._G._Brill_Company
Autres photos: collection personnelle de cartes postales de Roland Le Corff dont certaines issues de la collection de Renaud Sémadéni (Toulon)
Merci également à Jean-Marc Audirac et à Louis Bobinec pour leurs photos.
Musée de l'AMTUIR : http://www.amtuir.org/ Merci à Thierry Assa, secrétaire de l'AMTUIR qui m'a autorisé à utiliser des photos provenant de la collection du musée.
- © Roland Le Corff 2003 - créée le 04/06/2003 - version du 13/05/2021