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LE CS 60 1ère génération 1932-1939

( le 1er trolleybus à caisse-poutre et carrosserie métallique de France)

Voir aussi les CS 60 de 2ème génération

 Dès 1932, la société Vétra produisit un trolleybus de conception résolument moderne, entièrement métallique avec adoption d'une technologie dite de la caisse-poutre qui élimine le traditionnel châssis avec ses longerons à fortes sections donc très lourd. Ils rendaient également complètement obsolètes les véhicules à la caisse faite d'une ossature bois au design suranné.

Cette technique de la caisse-poutre est due à la SATRAMO ( Société Anonyme du Tramway Moderne) qui achète à la société Brill de Philadelphie, le brevet de la technologie dite des "longerons-parois". La rigidité de la caisse est assurée par la soudure à l'arc des tôles formant les parois internes, sur des armatures. Voir la page consacrée à la technique de la caisse-poutre

Les voitures postérieures à 1940 étaient en général construites sur une base mécanique SCEMIA (trains avant et arrière, roues, direction, arbres, ponts, freinage...), partenaire privilégié de Renault, suivant le brevet SATRAMO et le diagramme d'ensemble fourni par Vétra. La carrosserie, les équipements électriques et le montage étaient faits dans les ateliers de Vétra situés 85 rue du général Roguet à Clichy. Dans la première génération de trolleybus avant 1933, CS signifie Châssis Surbaissé, suivi du nombre de passagers,  à partir de 1933, CS = Caisse SATRAMO, suivi du chiffre indiquant le nombre de passagers.

Les dessinateurs de l'époque ne s'étaient pas foulé les neurones, ils avaient utilisé uniquement la règle et l'équerre mais pas le pistolet (un instrument de dessin pour dessiner les courbes) pour tracer les lignes de la carrosserie. La caisse était donc un gros bloc parallélépipédique aux lignes anguleuses, d'une désespérante banalité et sans aucune grâce. Les véhicules étaient de fabrication artisanale. Les premières carrosseries aérodynamiques toutes en rondeurs n'apparurent qu'en 1939-1940 en Algérie (alors française) d'abord chez le carrossier Lacroix & Arnold puis en France métropolitaine, à Limoges précisément pour le premier CS 35 en 1939 suivi des CB40, CB 55 et CB 60 .Il faut noter que ces voitures de cette époque ne comportent pas encore de cabine pour le receveur. Il opère debout, la montée des voyageurs se fait par l'avant.

Rouen ville pionnière du trolleybus en France (1933)

Les premiers essais de ce trolleybus moderne furent décidés en 1932 par la CTR (Compagnie des Tramways de Rouen) et mis en place en 1933 sur le réseau de la ville de Rouen. Le but était de remplacer progressivement le tramway sur les parcours les plus difficiles. Le conseil d'administration de la CTR évoque déjà dans ses séances du 27 mars et du 14 avril 1931, la possibilité du recours au trolleybus. La ville de Rouen comporte beaucoup de rues en assez forte pente, parfois étroites et avec des virages, ce qui est assez défavorable à la desserte par tramway (maintenance onéreuse, problèmes de la montée des rampes et de sécurité due au freinage dans les descentes). Les autobus de l'époque sont quant à eux, encore lents et peu économiques.

Le 28 novembre 1931, le conseil accepte l'offre de la société Vétra qui propose de lui mettre à disposition gratuitement le prototype de son nouveau trolleybus CS 60 pour un essai de 3 mois. Les essais auront lieu sur la courte ligne N° 14 longue de 2,2 kms, elle dessert le trajet Place du Vieux Marché-Cimetière de l'Ouest où circule un seul tramway. Des travaux sont réalisés à partir de janvier 1932 pour installer les bifilaires, les triangles et autres boucles de retournement. Le 25 mai 1932 il est annoncé que le trolleybus sera fin prêt en juin mais il n'arrivera au dépôt Trianon de la CTR que le 14 décembre 1932 . Les premiers essais ont lieu le 30 décembre. Le véhicule est présenté officiellement le samedi 21 janvier 1933 aux maires, adjoints et ingénieurs et le lendemain, dimanche 22 janvier au public pour sa première mise en circulation. Il fait une impression favorable même si quelques critiques portent sur les dimensions jugées un peu trop importantes pour les rues de Rouen.

La première mise en service commercial du prototype CS 60 eut lieu le dimanche 22 janvier 1933. A la fin de la période d'essais de 3 mois, le trolleybus ayant donné satisfaction, la CTR passera commande auprès de Vétra, de 5 trolleybus CS 35 d'un gabarit un peu plus étroit dont le premier exemplaire sera mis en service le 25 juin 1934. En attendant la livraison de ces nouveaux trolleybus, le CS 60 N° 1 fut loué à la CTR au tarif de 0,50 F le km (soit l'équivalent de 0,34 Euros, 34 centimes d'Euros actuels)

Après la fin de son service à Rouen, le prototype N°1 fut finalement vendu au réseau d'Alger ( les T.A Société des Tramways Algériens), on retrouve une trace de son immatriculation à la Préfecture d'Alger le 16 juin 1937 sous le numéro 7011 AL14. Il fut radié probablement avant mars 1949.

Document Catalogue Vétra 1933 - Le CS 60 est vu ici sur la place Cauchoise et il se dirige vers le boulevard des Belges. L'implantation de a ligne aérienne de contact permet au trolleybus de respecter le sens giratoire contrairement au tramway qu'il remplace. L'endroit a bien changé de nos jours, l'imposante statue érigée en 1894, a été détruite en 1941 et refondue; elle représentait un certain Augustin Pouyer-Quertier (1820-1891), homme politique Normand ( il a été député, maire, sénateur et même ministre des finances) et industriel (il possédait la filature de coton nommée "La Foudre" au Petit-Quevilly)

Photo parue dans Charge Utile - Rouen, rue du Renard, au lieu-dit Fond du Val, le CS 60 passe sous le pont du chemin de fer à proximité du cimetière de l'Ouest. La ligne bifilaire a été dédoublée afin que le trolley puisse circuler dans les 2 sens, le tramway quant à lui passait une fois sur 2 à contresens. On aperçoit la voie unique du tramway passant sous l'arche de droite. Le véhicule est immatriculé 9092 XA 4.

Photo Google Street- Le même endroit vu de nos jours, l'ancien pont de briques avec ses arches multiples a été remanié et il est désormais d'une seule travée pour faciliter le passage.

Les CS 60 dits "Francheville" (9 m) de Lyon 1935 et 1938 et "Telemly" des TA à Alger 1936,  très semblables au prototype, sont les premiers véhicules de série avec cette dimension. Les premières séries de CS 60 équipèrent les réseaux de Lyon (Francheville) et Alger (Télemly).

Les CS 60 type Francheville (1935 et 1938)

A Lyon, les CS 60 de la première génération reçurent le sobriquet de "caisses à savon" Ce modèle est appelé "Francheville" du nom de la localité de la banlieue lyonnaise qui fait office de terminus de la 1ère ligne du réseau de L'OTL (Ominibus et Tramways de Lyon) qui allait devenir le plus important de France en matière de trolleybus.

Photo Jean Capolini août 1956 - À Lyon, le CS 60 de L'OTL, N° 18 est vu ici desservant la ligne 30 sur le quai Fulchiron - Il date de 1938.                       Cliquer pour agrandir

Photo Adrien Gondin parue dans Charge Utile N° 91 - Ci-dessus, le N°12 vu rue du Bourg à l'entrée de Francheville-le-Haut. C'est le type de véhicule qui a été préservé par le musée de Rochetaillée (voir ci-dessous)

 

Photo Jean-Hennri Manara 1976- Ce CS 60 type "Francheville" portant le numéro de parc 1 a été magnifiquement restauré, il est conservé au musée Henri Malartre situé à Rochetaillée-sur Saône (Rhône) à 11 kms au nord de Lyon. Il desservait la ligne N° 30, Pont de Tilsitt-Francheville-le-Haut ouverte au trolleybus entre 1935 et 1936. 20 CS 60 du même type équipèrent le réseau de Lyon.              ( Cliquer pour agrandir)

 

Les CS 60 "Télemly" des TA (Tramways Algériens ) 1934 -1936

Les TA (Tramways Algériens) desservaient la ville d'Alger au début des années 1930 par 3 lignes de tramways renforcées par des lignes d'autobus. En 1933, les TA se rapprochent de la CTR (Compagnie des Tramways de Rouen) pour expérimenter le trolleybus. La ligne d'autobus "H"conduit de l'Hôpital du Dey à la basilique ND d'Afrique (bel édifice de style néo romano-byzantin consacré en 1872). Elle se caractérise par des rampes à 14 % et des virages en épingle à cheveux de 8,50 m de rayon. C'est elle qui est choisie pour l'expérimentation. Le service démarre le 28 juin 1934. Devant les résultats extrêmement encourageants obtenus au bout de quelques mois, les TA décident d'étendre ce moyen de transport à la ligne "G". Celle-ci était exploitée auparavant par un autobus surnommé "le cafard" par les habitants. Cette ligne a la particularité d'être exploitée en boucle : l'itinéraire retour étant différent de l'itinéraire aller. Le trajet part de la Grande Poste, monte par la rue Édouard Cats puis serpente ar les rues étroites du Docteur Trolard et du Duc des Cars pour atteindre par un itinéraire tourmenté le boulevard du Télemly, route en corniche qui domine la ville. Arrivée à la jonction avec le boulevard Saint-Saëns, la ligne se retourne et descend vers le centre-ville par cette artère pour terminer à la Grande Poste (éléments repris d'après Georges Muller).

Les 4 CS 60 d'Alger, numérotés de 6 à 9.sont identiques au type "Francheville". Leur carrosserie de type fermée, est construite par la Société Franco-Belge dans son usine de Raismes (Nord).et la finition est faite sur place à Alger. Ces véhicules avaient les caractéristiques suivantes : longueur 9 m, largeur 2,35 m, empattement 4,60 m, tare 7, 50 tonnes, 60 places dont 24 assises, porte avant à commande manuelle par le conducteur, porte arrière commandée par le receveur ambulant, moteur de traction Alsthom 505 B à excitation compound. Ils ont été réformés vers 1957 après plus de 20 ans de bons et loyaux services.

Photo AMTUIR et Coll Paul Carenco - Alger 1935, Vétra CS 60 N° 8 des TA sur la ligne "G".

 

Les CS 60 à plateforme arrière ouverte (1938)

En 1938, les TA font construire 10 nouveaux trolleybus CS 60 à caisse-poutre par la Société Franco-Belge. Ils sont démunis de portes latérales.au profit d'une plateforme arrière ouverte par laquelle se fait la montée et la descente des voyageurs.

Photo Jean Capolini 1966 - Alger – Trolleybus CS 60, série N° 21 à 30 de 1938, à caisse Franco-Belge, et plate-forme ouverte des Tramways Algériens - Il est saisi en 1966 à la Foire d’Alger où ce véhicule avait été fort bien restauré pour l'occasion. C'est un véhicule de cette série qui fit le grand saut au pont d'Hydra en mai 1949.            Cliquer pour agrandir

Photo Jean Capolini 1966 - Le même trolleybus vu de l'arrière permettant de voir la plateforme ouverte et l'élégante découpe de peinture dite en "queue de pie".     .Photo non agrandissable

Le suicide par trolleybus, une méthode inédite !

Le 29 mai 1949, la ligne d'Hydra fut le théâtre de ce qui fut sans doute le seul suicide par trolleybus connu dans toute l'Histoire. Le CS 60 N° 28 heureusement vide de voyageurs, monte sur le trottoir, défonce la balustrade et bascule dans le vide sur le pont d'Hydra pour s'écraser 27 m plus bas au bord de l'oued Kniss. Le conducteur dépressif, un nommé Pépi, père de deux enfants,a décidé de mettre fin à ses jours en se jetant dans le vide avec son trolleybus mais il n'a pas pensé au receveur, un nommé Rhéaz qui était présent à bord et qui blessé grièvement, succombera à ses blessures quelques jours plus tard à l'hôpital Mustapha. Le conducteur est quant à lui mort sur le coup. L'épave du trolleybus restera de longues années au fond du ravin et elle s'y trouvait encore en 1965 d'après Jean Capolini qui a pu la voir lors d'un de ses voyages sur place.

Un conducteur de trolleybus bulgare âgé de 50 ans, nommé Plamen Gudnev, s'est suicidé en se jetant d'un pont en janvier 2012 mais il l'a fait en descendant de son véhicule garé sur le pont  de Chavdar dans la ville de Sofia. Ses voyageurs ont certes été traumatisés par cette horrible scène mais n'ont jamais été mis en danger. De nos jours, certains ont fait encore plus fort puisqu'on a pu voir des pilotes de ligne se suicider aux commandes d'un avion de ligne avec le personnel et les passagers à bord.

Caractéristiques techniques

Il faut noter que le prototype du CS 60 n'était pas encore équipé du classique moteur Alsthom TA 505 mais d'un moteur BTH 110 (FA ou HB selon les sources : G. Muller ou J. Darmagnac). Le moteur BTH es produit par la British Thomson Houston, Une société fondée en 1896, une filiale britannique de General Electric.  BTH a été intégrée à la société Associated Electrical Industries (AEI) en 1928, par une fusion de BTH avec Metropolitan-Vickers. Les premiers CS 35 pour Rouen et Alger seront quant à eux équipés du moteur Alsthom TA 505 B .

Le moteur du CS 60

Document catalogue Vétra 1933 - Moteur de traction Alsthom type TS 505 compound- Puissance unihoraire 73 Ch- Puisssance continue 56 Ch - Intensité 103 Ampères- Vitesse 1200 tours/ minute- Sous 600 Volts, la vitesse en palier peut atteindre 50 Km/h et 26 Km/h en rampe de 6%

 

Caractéristiques du CS 60  d'après le catalogue Vétra 1933

Longueur de la caisse

8,810 m

Longueur hors tout 9,280 m

Largeur Hors tout

2,349 m

Hauteur au-dessus du sol 2,665 m
Hauteur intérieure de la carrosserie 1,900 m

Empattement

4,600 m

Voie AV 1,730 m
Voie AR 1,830 m
Porte-à-faux avant 1,64 m (d'après J.Darmagnac)
Pneumatiques AV Simples à l'avant 38 x 8
Pneumatiques AR Jumelés à l'arrière 38 x 8
Hauteur du plancher au-dessus du sol en charge 0,730 m

Places assises

31

Places debout

de 20 à 30

Nombre total de passagers

51 à 60 + 2 agents

Rayon de braquage 8 m

Moteur

Type BTH 110 HB compound avec récupération automatique jusqu'à 15 km/h-1ère application du contacteur à paillettes

Partie mécanique

Pont arrière Scémia surbaissé à double démultiplication

Puissance du moteur unihoraire

73 Ch - 55 KW

Puissance continue 56 Ch

Vitesse

plage de vitesses économiques entre 18 et 50 km/ h

Portes

Portes à commande pneumatique en disposition 2-0-2 . 1 porte simple à 2 vantaux dans le porte-à-faux avant - pas de portes au milieu -1 porte simple à 2 vantaux dans le porte-à-faux arrière

Poids à vide 7,500 tonnes
Poids total en charge (PTAC) 11,500 tonnes

Fabrication

Vétra - carrosserie et organes mécaniques Scémia-Renault

 


Remerciements : j'adresse tout particulièrement mes remerciements  à Joël Darmagnac pour sa documentation très fouillée sur le prototype du CS-60 et à Jean Capolini pour sa relecture attentive.

Sources :

"1880  -1980: "Un siècle de transports en commun dans l'agglomération toulonnaise" par Gabriel Bonnafoux (†) et Albert Clavel - "Les trolleybus français" par René Courant et Pascal Béjui - "Autocars, autobus, trolleybus de France 1950-1980" par Jean-Henri Manara et Nicolas Tellier - Articles de Joël Darmagnac parus dans Charge Utile Magazine  N°87, 91 et 102 : "Les trolleybus Toulonnais, 24 ans de traction électrique au soleil".- Catalogue "Le trolleybus Vétra" de 1933.- Archives municipales de Rouen - Site Alger-Roi  de Bernard Venis et notamment la page illustrant le CS 60 : http://alger-roi.fr/Alger/transports/transports_1/pages_liees/10_trolleybus_cs60.htm

Photos : Jean-Henri Manara- Jean Capolini - Adrien Gondin - Catalogue Vétra 1933 (Merci au regretté Georges Muller (†)  qui m'avait fait très gentiment don de catalogues Vétra de plusieurs époques) - J.P Chenais dans le livre "Les trolleybus français" -

Georges Muller (†) "Les trolleybus français en France et dans le monde 1900-2016" (2017) aux éditions Maquetrén (Espagne). Le réseau de trolleybus de Lyon doit beaucopup à Ce brillant ingénieur que fut Georges Muller, Entre 1973 et 1982, il fut chef des Etudes techniques aux TCL de Lyon en charge de la modernisation du réseau de trolleybus, des extensions, des études et de la construction des ER 100, de 2 nouveaux dépôts, de la construction de la crémaillère de la Croix Rousse, transformation du funiculaire de St-Just.

Ne manquez pas de découvrir les magnifiques et très rares photos de véhicules anciens de Jean Capolini sur le site Flickr : https://www.flickr.com/photos/151983085@N05/albums et de Jean-Henri Manara : https://www.flickr.com/photos/jhm0284/albums -

 ©   Roland Le Corff  2003 -  créée le 20/04/2003 - version du 14/03/2021